A travers l'analyse d'une savante étude effectuée en 2008, qu'il décrypte, Marc Ponsonnet nous livre un petit historique très instructif sur les avatars peu connus de la célèbre voûte peinte de notre chapelle
( pour agrandir les photos cliquer dessus) :
Rapport de
l’étude de mai 2008
Introduction
À la demande des
Monuments Historiques, l’Atelier Régional de Restauration a
effectué une étude de la voûte lambrissée en mai 2008, elle a été
complétée d’une analyse faite par le laboratoire CIRAM. L’examen
visuel des peintures s’est parfois aidé de loupes mais aussi
d’éclairage ultraviolet très efficace pour détecter les
retouches effectuées lors de restaurations antérieures.
Le laboratoire a examiné
des prélèvements avec des moyens sophistiqués : microscope
électronique, microanalyse en dispersion d’énergie de rayons X,
spectrométrie infrarouge… et en a décrit la nature des pigments,
liants et charges utilisés avec un luxe de précisions techniques
hors de portée du profane…
Au niveau du bois
lui-même la présence d’une activité importante et très
disséminée d’insectes xylophages a été observée, ainsi que
des cassures (sur lambris et sur pannes), des fentes, des griffures,
et de l’oxydation au niveau des clous (il y en a environ 5000 !)
de fixation des lambris en châtaignier sur les poutres courbes.
La couche
picturale originale
Le rapport de 80 pages
date clairement de la fin du Moyen Âge la couche picturale
originale, le bon repérage des retouches a permis de situer
nettement les parties n’en ayant pas subi. Sur les parties
retouchées, une étude stratigraphique de prélèvement effectué
décrit les couches successives appliquées. Le rapport souligne la
présence de nombreux soulèvements de la couche picturale, des
altérations dues à l’humidité favorisant le développement
fongique (champignons microscopiques).
La couche picturale
originale est posée sur une préparation blanche à base de colle
animale et carbonate de calcium (calcaire, craie, coquilles
d’huitres). Les pigments (peu coûteux) sont principalement des
oxydes de fer sous forme d’argile ferrugineuse pour le rouge
et le jaune. Le bleu est absent, les cieux étant gratifiés de
gris. Le vert est un pigment de vert-de-gris, mélange utilisé à
partir du XIIIe siècle et composé de minéraux à base
de cuivre (brochantite et atacamite).
Une charge de gypse
(poudre de plâtre) est adjointe à ce vert-de- gris et à du
blanc de plomb (céruse) et le mélange est lié avec de l’huile.
La
photo 1 résume le résultat d’analyse au laboratoire
des 4 prélèvements effectués.
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Photo 1 |
La
restauration de 1764
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Photo 2 |
Sa datation est
inscrite en évidence sur une des scènes, cette restauration se
manifeste le plus visiblement au niveau des «repeints de
pudeur » : les vêtements rajoutés sur les corps nus
d’Adam et Ève. Un éclairage en surbrillance et lumière rasante
permet de bien voir cette nudité sous les habits pour lesquels on a
utilisé un pigment brun-noir détaillé sur la page 8 du rapport du
CIRAM ; on a avec cette page
(photo 2) un aperçu de la
densité des données recueillies, en particulier en stratigraphie.
On remarque la forte présence d’alun dans ce pigment « laqué » :
elle explique l’effet de transparence très visible même sans
éclairage spécial. On note aussi que la poitrine d’Ève allaitant
Abel a fait également l’objet d’un repeint aux couleurs de son
vêtement (
photo 3)
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Photo 3 |
La
restauration de 1914
Les archives la
mentionnent comme « badigeon intérieur enlevé
(sur les murs de la chapelle), murs entièrement rejointoyés,
peintures de la voûte rehaussées ». On distingue en
effet, surtout sur les scènes du Nouveau Testament, la retouche des
colorations de chair, une accentuation du tracé noir des contours et
aussi la retouche du blanc des yeux. La datation en 1914 de ces
retouches est confirmée par deux éléments :
1/ les pigments
utilisés sont du blanc de plomb et surtout du sulfure de mercure,
vermillon fin et homogène postérieur au XVIIIe siècle
mais sa technique de fabrication le situe surtout au XXe
siècle.
2/ Le liant est un
polyacétate de vinyle d’utilisation postérieure au XIXe
siècle.
D’autre part, tout le
lambris de la 5
ème travée Sud étant antérieurement
tombé ou bien près de chuter, a été remplacé par un nouveau en
résineux. Le rapport lui attribue un aspect crayonné, un rendu
mat de couleurs délavées. Les scènes ne sont pas identifiables
mais, pour une raison de chronologie des scènes au moins l’une de
l’ancien lambris était assurément celle du péché originel.
Ceci est corroboré par une planche récupérée de l’ancien
lambris de 1914 et décorée de l’image du serpent tentateur
(photo 4).
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Photo 4 |
La
restauration de 1977
Elle a consisté d’abord
en un masticage des joints entre les lames de lambris et de tous les
clous.
Une série de photos
prises en 1949 fournit de précieuses informations faisant le lien
entre la précédente restauration de 1914 et la suivante de 1977.
Par rapport à ces photos de 1949, il a été fait en 1977 :
1/ remplacement de lames
de lambris manquantes et reconstitution des décors correspondants.
2/ masticages de fentes
3/ retouches diverses
4/ les tirants
métalliques, visibles semble t-il sur une photo de 1949, sont
maintenus en place en renfort de panne sur la 4
ème
travée Sud.
On voit aussi ces tirants sur 2 cartes postales
anciennes
(photos 5 et 6), la seconde éditée sans doute au
moment de cette restauration de 1977. La restauration actuelle les a
supprimés du fait de la mise en place d’une panne neuve.
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Photo 5 |
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Photo 6 |
Sur 2 des photos de
1949, il apparaît des planches décorées clouées (en 1914 ?)
sur le décor original et masquant ce dernier. La restauration de
1977 les a supprimées d’où restitution du décor d’origine
suivie bien sûr de retouches :
Le serpent
Comme le montre une photo
de la 5
ème travée Nord prise en 1949, on a voulu
réutiliser la planche du serpent récupérée en 1914 et elle
apparait clouée aux pieds d’Ève. La restauration de 1977 a
décloué cette planche et le décor d’origine est donc réapparu
après une présence donc certaine du serpent entre 1949 et 1977.
Bien que la photo de 1949 soit bien trouble, on y voit bien la
planche clouée juste au dessus de la frise. Sur cette planche le
serpent apparait au sol, le corps enroulé autour de ce qui devait
être le pied de l’Arbre de la Connaissance. Un montage photo
(photo 7 à droite), reconstituant l’état de 1949, montre
que la planche clouée donnait l’illusion que le corps du serpent
s’enroulait autour des chevilles d’Ève.
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Photo 7 |
La tête d’Hérode
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Photo 8 |
En 1949, une photo de la
scène de l’arrivée des rois mages chez Hérode montre l’existence
d’une plaque de bois décorée, de forme carrée et clouée en
surépaisseur sur le lambris, elle recouvre le buste du personnage
jusqu’à la moitié de la frise. Cette opération daterait de la
restauration de 1914, sans doute pour masquer une grave
détérioration. La présence de la couronne indique que l’on a
voulu donner à ce personnage, peint de face, l’identité du roi
Hérode. Or, à la restauration de 1977, cette plaque a été
déclouée et le personnage original retrouvé : visible cette
fois de profil et sans couronne
(photo 8). Ceci nous conforte
dans notre hypothèse de l’accueil des mages par un serviteur, et
non par Hérode lui-même que les artistes d’origine ont bien
représenté couronné dans la scène suivante. Le décor retrouvé a
bien sûr subi des retouches. La
photo 9 prise en 2008 de la
tête du serviteur fournit un exemple de l’utilisation de
l’éclairage ultraviolet pour les repérer : seuls l’œil et
une partie de la bouche, apparaissant en blanc, n’ont pas été
repeints en 1977.
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Photo 9 |
Préconisations
de l’étude en vue d'une prochaine restauration
Les principaux points conseillés en conclusion de cette étude sont en réalité la liste des différentes tâches qu'ont menées à bien en 2013 les restaurateurs des peintures de la voûte et nous vous les présentons dans l'article qui suit : Point d'orgue de la première tranche de travaux, la restauration 2013 des peintures de la voûte.